jeudi 20 novembre 2008

"Interview d'Alice Miller à Ms Noreen Taylor, The Times, Londres 1999" - Traduction

Traduction d'une interview d'Alice Miller de 1999 au Times à Londre en Anglais: "Interview given to Ms Noreen Taylor, The Times, London 1999".

Une Liste des Traductions du site d'Alice Miller récapitule les documents de son site web traduits dans d'autres langues mais non disponibles sur son site web et quelques articles non référencés sur son site web.

"Interview donnée à Ms Noreen Taylor, The Times, Londres 1999 - Avec des additions de 2004

Article original "Interview given to Ms Noreen Taylor, The Times, London 1999" en anglais, sur le site http://www.alice-miller.com, traduction en Français par Gaël Roblin, traduction non vérifiée par Alice Miller ou son équipe.


Est-ce possible d'avoir quelques détails de votre propre enfance ? Par exemple, avec vous été frappée quand vous étiez enfant ? Pouvez vous décrire votre situation, la profession de vos parents et leurs relations avec vous ? Quand et comment avez vous trouvé la liberté de critiquer leur incompétence dans l'éducation ? Avez vous trouvé le courage de vous assoir en face d'eux et de parler de votre enfance ?

Mes parents étaient des gens de classe moyenne tout à fait ordinaires. Mon père était un banquier qui n'avait pas réussi, ma mère une femme au foyer. Elle était très dévolue à la tâche de l'éducation de l'enfant et de la discipline, c'était une voie habituelle dans les années vingt de ce siècle. Je suis née 18 mois après leur mariage, 4 ans plus tard ma soeur était née. Comme beaucoup de parents à cette époque, ils n'avaient pas la moindre idée des besoins d'un bébé, les besoins d'attachement, de contact aimants, de toucher, de sécurité, de protection, de respect, d'orientation. Ma mère avait été extrêmement négligée dans sa petite enfance, donc son corps ne savait pas ce que voulait dire être aimée et soignée. Comme résultat, son seul souçis de jeune mère était de me faire obéir le plus tôt possile. Et elle y a parfaitement réussi. J'étais déjà devenue "propre" à l'âge de 6 mois, comme elle me l'a dit plus tard. Et aujourd'hui je sais qu'un tel accomplissement est impossible sans violence et punitions corporelles systématiques au bébé. Grâce à ces méthodes utilisées très tôt je me suis parfaitement adaptée au souhait de mes parents et je suis devenue la bonne fille qu'ils voulaient que je sois. Cette stratégie de survie à demandé un énorme prix à payer: la répression de mes propres sentiments et besoins. J'ai été ainsi privée de ma boussole émotionnelle. En conséquence, quand je suis devenue moi même une mère je n'ai pas pu comprendre mon bébé de la façon dont il avait besoin d'être compris.

Quand j'ai eu 55 ans j'ai écrit "Le Drame de l'Enfant Doué" ou j'ai décrit des stratégies de survies similaires à la mienne, et beaucoup de gens m'ont écrit depuis qu'ils ont retrouvés leur propre histoire dans cette publication. Grâce à ces milliers de lettres je suis arrivée à reconnaitre que je n'étais pas seule à subir un tel traitement, que c'était plus ou moins commun et normal pour notre société et que la plupart des gens semblent complètement inconscients de ce danger. J'étais stupéfiée. Je voulais en comprendre plus à propos de notre système d'éducation et, par dessus tout, à propos des raisons de notre manque de sensibilité envers la souffrance de l'enfant. Alors j'ai fini de pratiquer en 1980 et je me suis consacrée à la recherche sur l'enfance et à l'écriture. Dans "C'est pour ton bien", j'ai décrit la cruauté d'une éducation prétendument normale et - encore - plein de gens m'ont écrit : comment se fait-il que vous connaissiez ma famille et la manière dont j'ai été traité ? Je ne connaissais pas leur famille mais dès que votre sensibilité est éveillée vous saisissez des rapports qui pour beaucoup restent encore dans l'ombre.

Mes deux parents étaient déjà morts quand j'ai commencé de saisir ce qui était arrivé dans mon passé. Donc je n'ai pas pu partager avec eux mes connaissances nouvellement gagnées. C'était trop tard.

Est-ce que l'augmentation des viols et des attaques sexuelles sur les jeunes femmes, est connectée avec certains modes de discipline dont les hommes peuvent avoir souffert dans leur propre enfance ?

Je pense que les adolescents violents démontrent ce qui leur est arrivé émotionnellement quand ils étaient petits. Je n'ai aucun doute à propos de ça. Cela n'est pas toujours une discipline dure mais dans la plupart des cas il y a de la négligence émotionnelle, un manque de communication authentique, de contacts châleureux, de contacts amicaux. Si ce manque est aussi couvert par ce que l'on appelle "gâter" (acheter un tas d'objets couteux pour remplacer l'amour), l'enfant est souvent incapable de détecter la négligence et reste attaché au déni. De toute façon, chaque enfant doit réprimer la douleur pour pouvoir survivre. C'est seulement possible à l'âge adulte de réaliser la vérité. Mais plus l'histoire de l'enfance est réprimée, plus sa cruauté est niée, moins ces jeunes sont capables de ressentir, de se confronter aux véritables raisons de leur détresse, plus ils se sentent pressés d'agir de façon destructrice. Ils n'ont pas toujours des souvenirs conscients de ce qui leur est arrivé dans leur enfance, spécialement la petite enfance, mais cette connaissance est stockée dans les cellules de leur corps et, assez étonnamment, ils menacent les autres exactement de la même façon dont ils ont été menacés au début de leur vie. Malheureusement, l'action commune, toujours présente, d'éviter le sujet de "l'enfance" ne rend pas les choses faciles. Je discute de ce problème dans mon livre "Chemins de Vie", 1998 et "Libres de Savoir", 2001.

Est-ce que vous sentez que la société est devenue plus compatissante et consciente dans les dix dernières années ?

Aujourd'hui nous en savons plus à propos des faits mais nous manquons évidemment de compassion pour l'enfant qui doit en silence tolérer d'être battu, négligé et de ne pas être respecté par des gens qu'il / elle aime. Et la plupart des gens ne voient pas les conséquences d'un tel événement. Ils leur manque l'empathie que j'ai tellement espéré éveiller en eux quand j'ai donné des interviews ou écrit des articles. Dans ces interviews on m'a souvent demandé pourquoi je parlais tellement des enfants battus. N'y a-t-il pas d'autres façons de faire souffrir un enfant ? Bien sûr il y en a. Mais pratiquement tout le monde reconnaît déjà que nous ne devons pas maltraiter un enfant pendant qu'ils clament toujours que les châtiments corporels sont OK, ne sont pas des maltraitances quand ils sont étiquetés « éducation », « discipline ». Je pense que c'est seulement avec une loi interdisant les punitions corporelles aux enfants, aussi à nos propres enfants, que nous pouvons surmonter cette dangereuse erreur. Le but de cette loi n'est pas de punir les parents mais de les informer que chaque coup est une maltraitance, une maltraitance physique et émotionnelle. Même si cette loi ne va pas changer le comportement des parents en une génération, ça va certainement changer les mentalités des gens très rapidement. Et c'est le premier pas vers des changements sociaux importants.

Quand avez vous pour la première fois liée la discipline physique des enfants avec le comportement adulte destructeur ?

J'ai commencée de comprendre ces problèmes dans ma pratique (1960 – 1980), grâce à mes patients, alors en 1980, j'ai écrit « C'est Pour Ton Bien ». J'ai trouvé plein de confirmations de mes hypothèses dans la littérature de l'éducation. Avec l'aide de nombreux exemples de l'histoire et de ma pratique j'ai essayé de démontrer comment notre éducation cruelle cause le déni et le manque de sensibilité de toute la société.

Addition de 2004: Le lien entre les maltraitances spécifiques endurées dans l'enfance et le comportement adulte destructeur est toujours nié par les médias. Ils reportent souvent les deux, mais refusent de montrer la connexion. Cette évitement peut être clairement observé dans tous les rapports à propos des tortionnaires en Irak. Les causes réelles de ce comportement pervers n'ont jamais été discutées.

L'argument en chef en faveur d'une telle discipline est usuellement basé sur la prémisse que ce soit la seule façon d'apprendre aux vilains enfants à se comporter, particulièrement ceux qui sont cruels avec d'autres. Un autre pourrait être qu'une mère fatiguée, avec une maison pleine d'enfant obstinés, a peu d'alternatives que de punir physiquement ceux qui ignorent ces avertissements verbaux. Depuis que j'ai lu vos livres, j'ai demandé à diverses personnes comment ils se sentaient étant enfant quand ils étaient tapés. La moitié croit que ça n'a pas laissé d'impression, tandis que l'autre moitié croit que la fessée était appropriée au comportement anti-social. Que diriez vous à propos de telles opinions ?

En étant un enfant battus nous avons appris très jeunes des messages très contradictoires (par exemple que la cruauté est normale et bénéfique) que nous avons beaucoup de mal à désapprendre. Mais certains ont réussi à le faire. Aujourd'hui il y a déjà des centaines d'articles et plein de livres écrits par des experts à propos des dangereuses conséquences et de l'inutilité des châtiments corporels envers les enfants. Cependant, la plupart des gens continuent d'agir et de penser comme si cette connaissance n'existait pas du tout ou n'était pas disponible. Pourquoi ? Je pense que l'une des raisons peut être le fait qu'ils ont du apprendre à ne pas sentir leur douleur psychologique ou physique quand ils étaient battus et ils pensent que leurs enfants ne la sent pas. Je peux souvent entendre des mères dire qu'elles donnent une fessée à leurs bébés sans violence juste pour leur donner une leçon. Une fois je l'ai entendu de la part d'une très agréable jeune mère qui allaitait son petit garçon et se plaignait de son anxiété. Je lui ai demande si elle n'avait jamais pensé qu'il attendait la prochaine tape. Non elle n'a jamais pensé que ça pouvait être possible. Il a seulement 15 mois, trop petit pour "faire de telles réflexions". Je lui ai demandé si elle était battue étant enfant. Oui, dit-elle, tout le temps, par les deux parents. Je lui ai demandée comment elle se sentirait si une amie lui disait que son mari la battait et qu'elle avait peur de rester avec lui. Est-ce qu'elle comprendrait ces sentiments ? Bien sûr, dit-elle, je lui dirais de partir. Donc pourquoi était-elle capable d'avoir de l'empathie pour ses amies adultes mais pas pour l'enfant ? Parce qu'il est trop petit ? Je suppose plutôt qu'elle n'a jamais eu d'empathie quand elle souffrait d'être battue et qu'elle pense que c'était la juste façon de traiter un enfant. C'est une attitude très répandue qui peut être changée. Par exemple les journaux pourrait offrir un forum à leur lecteurs pour des discussions avec les parents à propos de leur problèmes de discipline et aussi offrir les nouvelles informations sur la fessée.

Avez vous des enfants ? Comment les disciplinez vous ?

J'ai deux enfants adultes. Je ne les ai jamais frappés mais j'étais parfois négligente envers mon premier enfant à cause de l'ignorance. Heureusement, pas autant que mes parents l'étaient avec moi. C'est très douloureux de comprendre ça, mais cette compréhension peut être libératrice d'un aveuglement. Je pense que l'amour pour les enfants peut apporter la vérité et peut même s'y développer tandis que les mensonges et le déni sèment la cruauté pour la prochaine génération.

Pouvez vous me parler de vos peintures interprétatives et comment êtes vous devenue inspirée par ce moyen de communication ?

Je n'ai jamais peint avant 1973. Quand j'ai commencé de peindre spontanément des tâches, sans aucun but ou projet j'ai découvert mon ancienne anxiété et la façon dont j'ai vécu mon enfance. Jusque là j'étais persuadée que mon enfance avait été une bonne enfance. Mais mon corps, mes mains en savaient plus que mon esprit. Ils m'ont montré dans ma peinture que j'avais réchappé d'une horreur et que j'ai dissocié cette connaissance parce que personne n'était là pour comprendre que ce qui s'était passé pour moi n'était que de la pure cruauté (comme si c'était "normal") et m'aider à intégrer cette mémoire. Maintenant c'est moi qui ai finalement compris.

Vous écrivez à propos des "témoins secourables": y a -t-il un exemple que vous pouvez donner pour illustrer vos découvertes ?

J'ai développé le concept de témoin secourable et éclairé quand on m'a demandée mainte et maintes fois pourquoi certains personnes qui étaient sévèrement battues dans leur enfance ne sont pas devenue destructive, pendant que d'autres, comme Hitler, Staline, Ceaucescu, Mao etc, le sont devenus. De façon intéréssante, dans tous ces cas positifs, il y avait une personne (un enseignant, une nounou, une grand mère) qui aimait ces enfants ou du moins les affectionnait, même si il ou elle était incapable de les protéger entièrement des maltraitances. Mais dans le vies des dictateurs que j'ai analysé, je ne pouvais pas trouver une telle personne que j'appelle TEMOIN SECOURABLE. Si un adulte déprimé doit retrouver son histoire il aura besoin de plus que ça, il aura besoin d'un TEMOIN LUCIDE, une personne qui est bien informée à propos de la situation d'un enfant maltraité et qui ne la minimise pas.

En public, si vous voyez des parents battre leurs enfants, est-ce que vous leur faites remarquer ?

J'essaie de parler aux parents, de leur expliquer, mais de ne pas les blâmer parce qu'ils agissent par ignorance et je ne veux pas leur mettre la honte. Mais chaque fois j'essaie de les informer aussi bien que je peux. Les réactions à mes interventions diffèrent au cas par cas; parfois ils sont en colère, parfois perplexes, parfois même reconnaissants.

La plupart des Britanniques, je devine, croient que donner une fessée à leurs enfants est leur propre affaire, leur propre droit donné par Dieu, et auraient de graves doutes à propos d'un gouvernement, dont la législation s'introduirait dans une aire sacro sainte de la maison. Un tel comportement d'etat serait perçu comme étant proche du totalitarisme. Quel est votre opinion ?

Peut être qu'il y a 20 ans, de telles voix pourrait avoir été entendues sans opposition. Mais aujourd'hui nous en savons trop à propos des effets à long terme de la violence contre les enfants pour tolérer en silence ce manque d'informations. Nous devrions savoir que toute la société va payer le prix pour notre aveuglement. Un gouvernement d'un pays civilisé ne peut plus ignorer cette connaissance. Vous ne pouvez pas prétendre avoir le droit de jouer avec des armes nucléaires sur vos territoires, seulement parce qu'ils vous appartiennent. L'intêret de la société passe avant votre plaisir et vos habitudes. Le gouvernement doit défendre ces intêrets. Appeler ça "totalitaire" est aussi censé que d'insulter une brigade de pompiers dans une maison en feu. Regardez autour de vous: Quand les enfants sont petits certains parents réclament le "sacro saint" droit à eux comme à une propriété. Mais aussi tôt qu'ils deviennent violents ou addictés à la drogue et émotionnellement inaccessibles ces parents désirent accorder leur droit à la société. Les enfants ne sont plus "nos" enfants protégés dans la sacro sainte famille, ils deviennent des "cas sociaux" et les contribuables anonymes vont devoir payer pour les prisons et les hopitaux dont ces adolescents très disciplinés auront besoin. La nouvelle loi doit permettre aux gens d'être au courant d'un très sérieux danger que nous surveillons souvent parce que nous avons appris très tôt à le surveiller. En Norvège et en Suède ou cette loi à déjà été adoptée la plupart des gens savent déjà que battre les enfants leur apprend à court terme l'obéissance mais à long terme seulement la violence et l'anxiété. Les enfants deviennent comme ils sont traités. Les théories que nous somme nés avec de bons ou de mauvais gènes peut être une version moderne de la vieille croyance que le diable à mis cet enfant dans notre berceau et que nous devons le rendre sociable et noble avec notre vice. Nous sommes nés avec différents talents, différentes inclinaisons et différents tempéraments mais notre empressement à punir les autres n'a pas d'empreinte génétique. C'est le résultat d'avoir été punit très tôt et de la recherche de bouc émissaires à notre rage réprimée. Si ce n'était pas le cas nous aurions besoin d'une réponse à la question pourquoi tant d'enfants sont nés avec de mauvais gènes 30 - 40 ans avant le reigne d'Hitler pour rendre ces plans possibles. Cette question montre la limite d'une explication génétique du mal. Personne n'est né mauvais, nous produisont des gens destructeurs par la manière dont nous les traitont dans l'enfance.

Addition de 2004: Dans toute la discussion concernant le comportement scandaleux des soldats US montré en Irak, personne n'a jamais utilisé le mot abus sexuel alors qu'il était pourtant plus que clair que les tortures utilisaient la même méthode d'humiliations des victimes qu'ils avaient eux mêmes endurés lorsqu'ils étaient des enfants innocents à la merci de parents pervers."

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