mardi 31 août 2010

L'Oubli de Soi Même

Traduction de la réponse d'Alice Miller au courrier "Forgiveness - Flight from oneself".

"Vous avez absolument raison quand vous vous posez cette question. Vous savez de votre mère que vous étiez battu très jeune; vous ne pouvez vous souvenir ni de l'abus émotionnel ni du la douleur physique du petit enfant qui était forcé de bloquer ses propres souffrances. Mais avec la sclérose en plaque, le corps essaie de revivre ses douleurs, si quelque chose dans le présent les déclenchent (par exemple le fait de ne pas être comprise par personne dans votre longue agonie). Si votre analyste ne considère même pas ça, essayez de trouvez un thérapeute qui n'est pas effrayé par votre histoire. Peut être que ma liste de questions et de réponses sur ce site peut vous y aider.
Ce que votre analyste a recommandé est de mon point de vue exactement ce qui vous rend malade, parce que cela étouffe la rage justifiée. La réconciliation peut apporter un certain soulagement pendant quelques temps parce qu'elle affaiblit les sentiments étouffants de culpabilité. On se sent comme un bon enfant, donc un enfant aimé si l'on oublie les maltraitances. Mais le corps insiste pour la vérité.
J'ai moi même fait tout ce que je pouvais étant enfant pour comprendre mes parents et j'ai continué ces tentatives, comme probablement la plupart des analystes pendant des dizaines d'années. Mais c'est exactement ce qui m'a empêché de découvrir l'enfant qui souffrait de tourments à travers eux. Je ne connaissais pas cet enfant. Pas le moins du monde. Je connaissais seulement la souffrance de mes parents, aussi de mes patients et de mes amis, mais jamais la mienne.
C'est seulement lorsque j'ai abandonné l'idée de comprendre l'enfance de mes parents (qui ne voulaient eux mêmes rien savoir du tout) qu'il est devenu possible pour moi de sentir l'étendue complète de mes peurs et de mes douleurs. C'est seulement à ce moment là que j'ai découvert lentement l'histoire de mon enfance et que j'ai commencé de réaliser mon destin. Et c'est seulement là que j'ai perdu mes symptômes physiques qui ont pendant si longtemps essayés de me dire, en vain, ma vérité, pendant que j'écoutais mes patients et que je commençais d'anticiper, seulement à travers leurs destins, ce qui arrive aux enfants battus. J'ai compris que moi même je m'étais trahie. Comme beaucoup d'analyste, je ne savais pas qui j'étais parce que je me fuyais moi même et que je croyais que j'étais capables d'aider les autres. Maintenant je pense qu'il suffit de me comprendre moi même pour être capable de comprendre les autres, pas l'inverse."


Version originale:
"AM: You are by all means right when you ask yourself this question. You know from your mother that you were beaten very early; you can remember neither the emotional nor the physical pain of the little being that was forced to block out her suffering. But with the MS, the body can try to revive these pains, if something in the present triggers you about it (for example the feeling to not be understood in your greatest agony by anyone). If your analyst does not even consider this, try to find a therapist who is not afraid of your history. Maybe my Questions and answers list on my website can help you with this.
What your analyst has recommended is in my opinion exactly that which makes us ill, because it suffocates the justifiable rage. The reconciliation can bring some relief for a while because it weakens the agonizing guilt feelings. One feels like a good, therefore loved child if one forgives the mistreatments. But the body insists on the truth.
I myself did already everything as a child to understand my parents and have continued these attempts, like probably most analysts, for decades. But exactly this prevented me to discover the child who suffered torments through them. I did not know this child. Not in the least. I only knew the suffering of my parents, also of my patients and my friends, but never my own. Only when I gave up to understand my parents’ childhood (which they themselves did not want to know at all) became it possible for me to feel the whole extent of my pains and fears. Only then did I discover slowly the history of my childhood and began to realize my fate. And only then did I loose my physical symptoms, which had tried for so long to tell me, in vain, my truth, while I was listening to my patients and began to anticipate, only through their fates, what is happening to beaten children. I have comprehended that I betrayed myself. Like so many analysts I did not know, who I truly was, because I was fleeing from myself and believed that I was capable of helping others. Today I think that I only have to understand myself to be able to understand others, not the other way round."

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