vendredi 23 avril 2010

Le Pardon

Textes, Articles et Témoignages sur le "fameux" Pardon :

On parle parfois de "droit à l'oubli", mais c'est nocif puisque si l'on oublie ce que l'on a subis, comment alors comprendre que c'est justement ce que l'on a subis dans l'enfance qui nous a rendu si malheureux et parfois malade ? Comment éviter que cela se reproduise si l'on ne connait pas parce qu'on l'a oubliée l'origine dans l'enfance de ce qui rend violent et malade ? Comment remédier aux causes de la violence (ce que l'on a subis de la part de nos parents dans l'enfance) si on ne les connait pas, si on les oublie ? C'est justement parce que l'on oublie les causes et l'origine de ce que l'on a subis que cela se reproduit sans cesse.

Il serait plus judicieux de parler alors de "Droit à la Mémoire", on le comprend bien dans le cas des génocides par exemple, pourquoi ne pourrait on pas le comprendre aussi en ce qui concerne l'histoire personnelle de chaque être humain ?

"L'enfant maltraité et délaissé est totalement seul dans les ténèbres de son désarroi et de son angoisse, environné de mépris et de haine, dépouillé de ses droits et de son langage, dupé dans son amour et sa confiance, bafoué dans sa douleur, dédaigné, humilié, sans guide, sans nul soutien, aveugle, sans défense, et entièrement livré à la merci de l'adulte ignorant.

Tout son être voudrait crier sa colère, exprimer sa révolte et appeler à l'aide. Mais cela, précisément, il n'en a pas le droit. Toutes les réactions normales, prévues par la nature pour notre autoprotection, lui restent interdites. En effet, à moins qu'un témoin ne vienne à son secours, ces réactions naturelles n'aboutiraient qu'à accroître et prolonger son martyre, voire, pour finir, à mettre sa vie en danger .

Aussi lui faut-il réprimer ce mouvement tout à fait sain: protester contre un traitement inhumain. L'enfant tente d'effacer, de gommer complètement de sa mémoire tout ce qu'on lui a infligé, afin de bannir de sa conscience sa brûlante révolte, sa colère, sa peur, l'intolérable souffrance - et, il l'espère, à tout jamais. Subsiste alors le sentiment de sa grave culpabilité personnelle - même s'il n'a pas été obligé de baiser la main qui l'a frappé et de demander pardon. Ce qui, malheureusement, arrive plus souvent qu'on ne le croit généralement.


Chez les survivants de pareilles tortures, qui ont abouti à un refoulement total, l'enfant martyrisé continue cependant à vivre: dans les ténèbres de l'angoisse, de la répression, de la menace. Lorsque toutes les tentatives pour amener l'adulte à écouter son histoire ont échoué, il essaie de se faire entendre par le langage des symptômes, à travers la toxicomanie, la psychose, la délinquance. Cet enfant, devenu à son tour adulte, se prend à soupçonner l'origine de ses souffrances, et demande à des spécialistes si elles ne pourraient pas être en relation avec l'enfance; on lui assure dans la plupart des cas qu'il n'en est rien. Ou, si l'on confirme son intuition, on lui explique qu'il doit apprendre à pardonner, que c'est son attitude rancunière qui le rend malade.


Dans ces groupes fort connus où l'on propose une thérapie aux personnes en état de dépendance et à leurs proches, le mot d'ordre est toujours : Tu ne pourras guérir que quand tu auras pardonné à tes parents tout ce qu'ils t'ont fait. Même s'ils étaient tous les deux alcooliques, s'ils ont abusé de toi, t'ont battu, plongé dans un total désarroi, soumis à des exigences au-dessus de tes forces, exploité - tu dois tout leur pardonner, sinon tu ne pourras pas guérir. De nombreux programmes, baptisés thérapeutiques, ont pour principe d'apprendre dans un premier temps à exprimer ses sentiments et, simultanément, à tenter de voir ce que l'on a vécu dans son enfance. Mais, ensuite, il faut s'astreindre au " travail du pardon ", prétendument nécessaire à la guérison.

Nombre de jeunes patients, atteints du sida ou toxicomanes, meurent pendant qu'ils sont ainsi attelés à la tâche de tout pardonner, et ignorent qu'ils doivent mourir pour conserver intact le refoulement de leur enfance.

La plupart des thérapeutes redoutent cette vérité. Ils subissent l'influence des interprétations destructrices des religions occidentales et orientales, et prêchent le pardon aux anciens enfants maltraités. Ce faisant, ils enferment un être, emprisonné depuis ses premières années dans le cercle vicieux de l'éducation, dans un nouveau cercle vicieux dit thérapeutique. Ils le font tomber dans un piège d'où il lui sera pratiquement impossible de sortir. Le même piège que celui qui a jadis bloqué son mouvement naturel de protestation et provoqué ainsi sa maladie. Comme les thérapeutes, enlisés dans le système pédagogique, ne peuvent aider le patient à se délivrer des conséquences des traumatismes subis, ils lui offrent à la place la morale traditionnelle."

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